Le docteur Safiatou Thiam, Secrétaire Exécutive du Conseil National de Lutte Contre le sida (Cnls), est formel. Le Sénégal a réalisé des performances dans la lutte contre Vih/Sida. Selon elle, l’’épidémie est en déclin dans notre pays comme c’est le cas partout à travers le monde. Dans cet entretien, elle précise que les nouveaux cas d’infection ont baissé de 37% et les cas de décès liés à cette maladie continuent de baisser.
Etat des lieux et priorités priorités du Sénégal en matière de lutte contre le sida
« ……. Le taux de prévalence dans la population générale est de 0,5%. Cependant, il reste élevé chez certaines populations comme les travailleuses du sexe, les hommes qui entretiennent des relations avec les hommes, les utilisateurs de drogue, mais aussi les détenus chez qui, nous avons décelé un taux assez important. Il y a aussi des zones plus vulnérables que d’autres. Ce sont souvent les régions transfrontalières où il y a beaucoup de mouvements de populations et les services n’y sont pas assez développés. C’est le cas à Kolda et à Kédougou. Pour le cas de Kédougou, les activités minières amènent les populations à la recherche de ressources. Ce phénomène ne laisse pas indifférentes les travailleuses du sexe. Cette situation provoque ce qu’on appelle la vulnérabilité qui n’est pas forcément liée au comportement général des populations. Il y a aussi les régions carrefour où il y a une forte concentration de camionneurs, de vendeurs. Au Sénégal, on a donc une épidémie de type concentré, faible dans la population générale et forte dans des groupes identifiés.
Populations clé, zones vulnérables : Les solutions
« Premièrement au Sénégal, on a opté pour l’élimination de la transmission mère-enfant parce que le tiers des infections se fait entre mère-enfant. Deuxièmement, il faut tout faire pour éviter qu’il y ait de nouvelles infections. Pour ce faire, il faut connaître qui s’infecte au Sénégal. Et par le biais de la prévention, y apporter des solutions, malgré les contraintes sociales, culturelles et religieuses. L’autre grande stratégie, c’est de faire en sorte que les tests soient accessibles et disponibles pour toutes les personnes. »
Le stock des Arv est suffisant pour une prise en charge correcte des patients
La question du traitement n’a jamais été un problème au Sénégal. Vous savez les Arv sont disponibles dans le monde depuis 1996. Le Sénégal s’en est doté depuis 1998. En 1997, déjà quand l’OnuSida a décidé de venir en aide aux pays les plus démunis, le Sénégal s’est positionné en achetant beaucoup d’antirétroviraux dont la moitié du budget est prise en charge par le Fonds mondial de la lutte contre le sida. Donc le problème du Sénégal, c’est de dépister ceux qui doivent l’être et les mettre sous traitement. Peut-on craindre une rupture des Arv dans ce contexte de Covid-19 ? Cette crainte se situe au niveau de tous les services parce qu’avec la Covid-19, même si ; les Arv sont disponibles, certains malades hésitent à aller les récupérer, avec le fait que dans les structures, les médecins et les personnels de santé sont débordés au point de ne pas pouvoir prendre en charge convenablement les malades
La complexité de la prise en charge des enfants
Le statut sérologique de l’enfant révèle en même temps celui de ses parents. L’enfant malade a forcément un parent qui est porteur. Et dans nos sociétés, les parents qui sont malades et qui le cachent, refusent d’amener l’enfant à l’hôpital, de peur qu’on découvre leur propre statut. Souvent, c’est tardivement qu’ils sont obligés de réagir, au moment où l’enfant a atteint le seuil irréversible malgré la prise en charge. Il faut aussi souligner que la plupart des enfants sont des orphelins, pris en charge par une jeune tante ou une grand-mère qui n’a pas assez de moyens. C’est pourquoi, ils sont réticents à amener l’enfant à l’hôpital. L’enfant ne prend pas souvent un traitement de façon efficace du fait de la pauvreté. Les accompagnants nous avouent souvent que l’enfant n’a pas pris ses médicaments parce qu’il n’a pas de petit déjeuner. Nous avons mené des campagnes qui vont dans le sens de renforcer et d’accélérer la prise en charge des enfants. Deux enfants sur trois décèdent du fait qu’ils ne sont dépistés. Il y a deux fois plus de décès chez les enfants que chez les adultes, alors que ce sont les mêmes médicaments. Ce qui n’est pas normal. Un enfant malade sur 3 ne fête pas son premier anniversaire. Les enfants sont fragiles. Donc il faut en faire une cause nationale. C’est dans ce sens que nous avons mené une campagne sociale pour venir en aide aux enfants issus de familles pauvres. Dans un premier temps, nous identifions les enfants. Ensuite, nous remboursons les frais de transport et leur donnons un petit déjeuner et du lait, comme nous autres le faisons dans nos séminaires, ensuite, nous donnons de la nourriture à emporter à la maison. Ce qui permettra à l’enfant de couvrir ses besoins nutritionnels pendant quelques jours.
Avec « Le Soleil » du Mardi 1er Décembre 2020